Cahiers D'histoire N.135 : Exposition Internationale De 1937 ; Politique Et Culture Au Temps Du Front Populaire
Cahiers D'histoire
français | 05-09-2017 | 222 pages
9782917541661
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L'Expo de 1937 ou « Exposition internationale des Arts et des Techniques appliqués à la Vie moderne » est-elle un sujet mince ? On peut s'interroger sur le choix d'un tel sujet pour le dossier d'une revue généraliste comme les Cahiers d'histoire. En nous focalisant sur cet objet, un événement, certes international, mais de quelques mois de durée (du 25 mai au 25 novembre 1937), serions-nous du côté de l'anecdotique ou d'une histoire en miettes ? Nous ne le pensons pas, bien sûr. L'Exposition de 1937 nous semble être un de ces observatoires propices à l'étude historienne de l'enchevêtrement des enjeux sociaux telle que nous cherchons à la mener. D'une part, l'Exposition permet bien sûr de scruter l'année 1937. Cette année, de l'entre-deux, souvent omise des histoires un peu rapides, ce n'est pas par goût des chiffres ronds, des anniversaires qu'elle nous arrête : elle est un de ces moments qui rendent visibles combien les contemporains ne vivent pas toujours les temps que construisent les regards rétrospectifs et cela la rend particulièrement intéressante. Le dossier constitué par Pascal Guillot réunit des articles qui, tous, montrent la vigueur des engagements des différents protagonistes politiques étudiés ici, que ce soit le sénateur socialiste indépendant André Morizet, l'élu et figure du socialisme français Jean Longuet et son fils, le sculpteur Karl-Jean Longuet, ou le dirigeant politique communiste Paul Vaillant-Couturier. Tous sont engagés avec passion pour dessiner les formes à venir de la société française. Les auteurs des articles, Gilles Candar, Annie Burger-Roussennac et Pascal Guillot lui-même, en scrutant les interventions des uns et des autres, montrent combien les acteurs sont pris dans la moyenne durée d'une vie politique dont ils poursuivent les choix. Quelles opportunités pourraient être offertes par l'Exposition pour l'aménagement de la région parisienne, pour la valorisation de la « banlieue » ? Quelle place sera faite à l'une des grandes passions de l'époque, l'art des jardins ? Dans quelles conditions l'Expo pourra-t-elle être la grande occasion tant attendue de valorisation de l'art et comment pourra-t-elle être un grand moment dans la démocratisation de l'accès du peuple à toute la culture ? Les enjeux sont d'ambition politique globale et, en même temps, apparaissent profondément insérés dans le court terme de la politique nationale. Les enjeux, ce sont la place des sénateurs dans le jeu des pouvoirs nationaux, les conflits entre les architectes consacrés et les avant-gardes. C'est aussi la lutte du gouvernement de Front populaire, qui prend le relais dans la préparation de l'Exposition et sera jugé sur sa mise en oeuvre, son coût, son audience, son sens politique. Tout cela est plein de passions qui, certes, n'ignorent pas les conflits du moment, mais n'anticipent pas une série de défaites, des gauches, des pacifistes, des antifascistes et finalement de la nation France tout entière, moins de trois ans plus tard. L'exposition accueille l'Allemagne nazie et l'Italie de Mussolini, et fait à leurs pavillons une belle place. On connaît l'exhibition de puissance voulue par le régime hitlérien, dont l'aigle et la croix gammée doivent surpasser le pavillon de l'URSS, l'ouvrier et la kolkhozienne qui lui font face. Les jurys de l'exposition distribuent des prix aux différentes nations et attribuent, pour le cinéma, le Grand prix au film de propagande national-socialiste de Leni Riefenstahl, Le Triomphe de la volonté, déjà primé par le régime mussolinien à la Mostra de Venise. Ceci tandis que les bombes nazies viennent d'anéantir la population de Guernica, le 26 avril, un mois avant l'ouverture de l'exposition, tandis que la république espagnole s'effondre et que le pasteur Niemöller est arrêté pour son opposition au pouvoir nazi en Allemagne le 1er juillet. Ceci tandis que le Japon, présent à travers une paisible maison de thé traditionnelle, s'empare de Pékin et de la côte chinoise. Notre regard d'historien voit surtout la guerre approchée, mais les contemporains, concepteurs comme foule se rendant à l'Expo - plus de 31 millions de visiteurs, un grandiose succès - y voient bien autre chose. Mais l'Exposition de 1937 ouvre aussi un autre champ d'observation. Comme les précédentes expositions, mais davantage sans doute du fait de l'acuité des tensions sociales, des espoirs immenses exprimés par les peuples au lendemain de la Première Guerre mondiale, et singulièrement en France à nouveau en 1936, l'Exposition est aussi l'ambition d'une pensée consciente de la société par elle-même et la mise en oeuvre de l'expression matérielle de cette pensée. Le projet de 1937 dit l'ambition d'un temps qui est encore vécu comme celui du progrès, possiblement infini, et du développement des techniques comme source, pour l'humanité tout entière, de liberté disent les uns, d'émancipation disent les autres. Les précieuses photos d'Achille Duchêne présentées dans le dossier par Georges Vayrou témoignent bien de cette fascination. La préoccupation sociale explicitée audacieusement par les organisateurs, les responsables politiques donc, est celle de la place de l'art dans ces sociétés dominées par l'épanouissement technologique. L'articulation de l'utile et du beau ouvre une problématique du devenir humain vécue comme cruciale. Quelle place reste-t-il à l'art dans une société éprise d'efficacité pratique ? Le bonheur, que l'on croit être sur le point de saisir grâce à une augmentation de la production qui apparaît sans limites, grâce à une maîtrise humaine sans précédent des richesses naturelles, ne risque-t-il pas d'échapper une nouvelle fois à l'humanité si elle ne sait faire place à cette expression du sensible qui se manifeste dans l'art ? On sait la tension cruciale au sein, en particulier, de tous les mouvements émancipateurs hérités du XIXe siècle. Les Cahiers ont abordé la question dans un précédent dossier à propos des pratiques vestimentaires, expression d'un ordre social, de normes, mais aussi de quêtes esthétiques bien au-delà de la fonctionnalité du fait de se vêtir, qui peuvent conduire du côté de l'art comme de la consommation somptuaire. La question mise au coeur de l'Expo 1937 nous permet donc de revenir également sur cet horizon d'une pensée qui, au XXe siècle, a rassemblé tous les courants politiques (ou presque), celle d'une « modernité » dont les développements techniques sont un bien, la contradiction portant sur la question du partage de ces fruits de l'intelligence et du travail humain, à l'échelle d'une nation comme de l'humanité, et sur la compatibilité du développement matériel et du déploiement de toutes les potentialités créatrices des êtres humains. Dès le vote initial, en 1934, qui fait de cette exposition non pas une exposition universelle mais une exposition internationale « des Arts et des Techniques appliqués à la Vie moderne », le choix est fort et motivé. Le commissaire général nommé par le gouvernement, Edmond Labbé, affirme qu'il s'agit de démontrer que l'art et la technique ne s'opposent pas mais que leur union est au contraire indispensable : « le Beau et l'Utile doivent être indissolublement liés ». L'archaïsme de l'opposition entre le beau et l'utile est une dénonciation devenue presque commune. Les divergences se portent sur la conception du « beau » et les avant-gardes se définissent alors par leur audace à mettre en oeuvre la beauté des élaborations techniques. Ce sont notamment des architectes, bien étudiés comme le rappelle Pascal Guillot dans son introduction au dossier et qui, comme Perret ou Le Corbusier, valorisent les techniques nouvelles de construction en en faisant l'esthétique spécifique de leurs créations. Les arts plastiques sont traversés par la même conviction dont l'une des expressions triomphales sera la décoration du pavillon de « l'Électricité » confiée à Raoul Dufy. Enjeu crucial, ce rapport à la modernité induit en 1937 une conception fortement conflictuelle du beau. Au moment où la violence du régime nazi stigmatise certaines oeuvres d'art comme « art dégénéré » et promeut leur destruction, l'Expo est elle aussi traversée par ces tensions autour de ce qui fait art : les articles du dossier montrent la marginalisation des artistes les plus novateurs par le gouvernement de la République française, jusqu'à ce que l'arrivée au pouvoir du Front populaire change en partie la donne et l'on sait, par ailleurs, les hésitations du gouvernement républicain espagnol face à la toile de Picasso « Guernica », exposée dans son pavillon. Ainsi l'Exposition de 1937, étudiée au prisme des enjeux culturels, ouvre-t-elle sur des problématiques sociales qui seront celles de l'après-guerre, reprises avec l'audace des lendemains de catastrophe et d'écrasement des valeurs conservatrices. Les vastes réalisations liées à la reconstruction et à l'expansion urbaine, la promotion de « l'art moderne » par les pouvoir publics, les combats pour faire de la création et de l'art une dimension de la vie de tous, seront autant de dimensions structurantes des projets politiques - conflictuels - des sociétés nouvelles, au moins jusqu'à ce que le néolibéralisme vienne balayer ces ambitions de pensée sociale globale. Par sa distance même, elle nous parle donc vivement de notre présent, que l'on redécouvre en écho bien dépourvu de réflexion globale sur les enjeux de l'art comme des techniques. Ce nouveau numéro des Cahiers fait bien des années Trente les années d'acmé de contradictions sociales de long terme. On sait ce qu'il en fut des ravages causés alors par les idées d'extrême droite. Les Cahiers reviennent - et reviendront à nouveau prochainement -sur différentes formes à travers lesquelles ces idées se propagent. « Chantiers » interroge, à travers l'activité d'Édouard Drumont, sur la place de la caricature dans le développement de l'antisémitisme dans la France de la fin du XIXe siècle, tandis que la rubrique « Débats » propose une synthèse sur les usages faits par les extrêmes droites d'aujourd'hui des références à l'Antiquité. « Métiers » peut se lire lui aussi dans la perspective des années Trente. La rubrique ramène du côté des forces progressistes avec la communication de Roger Bourderon sur la contribution importante des femmes communistes à la Résistance, puis avec l'itinéraire du militant communiste Paul Fromonteil, interviewé par Héloïse Morel, des années de guerre aux luttes anticoloniales et aux constructions politiques de l'après-guerre, vues à travers la question de ses archives. « Un certain regard » et « Les Cahiers recommandent » proposent chacun à leur façon des aperçus sur l'histoire embarquée dans de multiples formes de la production culturelle. Ainsi, le retour dans un film récent du jeune cinéaste étatsunien Nate Parker sur la révolte de l'esclave virginien Nat Turner a bien des chances d'être une source de représentations sur les jeunes États-Unis esclavagistes, qui pèsera davantage avec sa charge de stéréotypes, nous dit la spécialiste Anne-Marie Bidaud, que bien des travaux d'historiens. En attendant de retrouver nos lecteurs et lectrices pour un prochain dossier consacré à « Une histoire critique des sciences à l'époque moderne », nous les invitons à nous retrouver pour discuter des enjeux de notre élaboration collective, penser les fonctions de l'État, revenir sur l'histoire des bourses du travail dans le cadre des débats de la prochaine fête de l'Humanité. La rédaction des Cahiers sera heureuse de vous retrouver ensuite aux Rendez-vous de l'histoire de Blois, puis du 23 au 25 novembre aux cinquièmes Rencontres d'histoire critique autour des « Révolution(s) » à Gennevilliers. Et bien sûr, l'Association des ami-es vous attend pour susciter d'autres initiatives permettant aux Cahiers de mieux participer à la diffusion d'une histoire réflexive, en quête de compréhension globale de la complexité du social, dont notre présent a un urgent besoin.
Détails
Code EAN : | 9782917541661 |
Editeur : | Paul Langevin |
Date de publication : | 05-09-2017 |
Format : | Impression diverse |
Langue(s) : | français |
Hauteur : | 210 mm |
Largeur : | 150 mm |
Epaisseur : | 13 mm |
Poids : | 333 gr |
Stock : | épuisé |
Nombre de pages : | 222 |
Collection : | Cahiers D'histoire |